Manifestations


Les difficultés envahissent de nombreux domaines du fonctionnement de la personne.

Ces troubles rassemblent un ensemble de conditions caractérisées par :

  • Des altérations des interactions sociales
  • Des problèmes de communication verbale et non verbale
  • Un caractère restreint et répétitif des comportements, des intérêts ou des activités
  • Des réactions sensorielles inhabituelles

Extrait du livre « La différence invisible » de Julie Dachez


AUTISME & TRAVAIL : UNE PALLETTE DE POSSIBLES

De Stéf BONNOT-BRIEY,
Personne autiste et consultante & formatrice en Trouble du Spectre de l’Autisme
stefaspy@gmail.com

Les personnes qui présentent un Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA) sont des individus aux capacités souvent insoupçonnées.
Bien sûr, les profils et les parcours de vie de ces personnes restent très hétérogènes.

Pour autant, expériences et témoignages nous révèlent un peu plus chaque jour qu’en donnant des moyens adaptés et personnalisés, tant aux personnes autistes elles-mêmes, qu’aux environnements de travail (employeurs, managers, collègues), la participation socio-professionnelle, au sens large, est accessible et porteuse pour le plus grand nombre.

Cette accessibilité ne peut se réaliser qu’avec la connaissance du fonctionnement interne de la personne autiste. Aussi, avant même de focaliser et réduire une personne autiste à des « déficits persistants de la communication et des interactions sociales » et un « caractère restreint et répétitif des comportements, des intérêts ou des activités » (Cf DSM V), il faudrait déjà que la société intègre qu’une personne autiste est avant tout une personne qui perçoit et pense différemment.

En effet, une personne autiste présente des hypo et hyper sensibilités et réactivités, des auto-stimulations, et un « défaut » de transmodalité.


A quoi renvoie ces caractéristiques ?
  • L’hypo et l’hyper sensibilité impliquent que la personne autiste perçoit avec trop d’intensité, ou au contraire pas assez, les stimuli sensoriels (son, lumière, toucher, goût, odeur…)
  • Les auto-stimulations sont des mouvements moteurs répétitifs plus ou moins visibles : agitation des mains, balancements, mais aussi manipulation d’objets, contorsions…
  • Le défaut de transmodalité fait référence au fait que le traitement d’une information sollicitant plusieurs canaux sensoriels en même temps est coûteux, voire impossible (écouter, regarder et prendre en note en même temps par exemple…).

Cela implique qu’il faut tenir compte du traitement qu’elle a des stimuli sensoriels (auditifs, gustatifs, olfactifs, tactiles, visuels…) : les perçoit-elle de manière exacerbée ou au contraire ne les perçoit-elle pas ou pas suffisamment ? Qu’est-ce que cela engendre en termes de réactions ?
Les auto-stimulations qu’elle présente sont-elles envahissantes et pénalisantes pour elle-même et sa production au travail, ou au contraire, lui permettent-elle de se réguler et être plus disponible et productive ?

Enfin, le fait de privilégier un traitement de l’information perceptive (qui passe par les sens plus que les concepts) plus séquentiel (par étape) que simultané (en même temps) est-il toujours un inconvénient ou dans certains contextes ne serait-il pas une force ? Et n’existe-t-il pas des moyens pour compenser, lorsque nécessaire, ce manque de transmodalité ?

Ces mêmes interrogations doivent se poser concernant le mode de pensée : pensée en détails, manque de flexibilité mentale, particularité de mentalisation notamment en lien avec la capacité à se mettre spontanément à la place de l’autre.
La personne autiste perçoit d’abord les détails et non d’emblée le global (cela peut valoir pour des consignes orales, des textes écrits, des images, des objets, des individus…).

Le manque de flexibilité mentale renvoie à une forme de rigidité mentale qui doit être comprise comme ayant un lien avec la pensée en détails. La personne autiste peut avoir du mal à changer ses habitudes, sa façon de penser, d’agir… Cette caractéristique de fonctionnement n’est pas d’ordre caractériel, et ce que l’on appelle souvent « rigidité mentale » est à comprendre comme un besoin de maintenir des repères qui reposent sur des détails.

Il y a donc une résistance aux changements qui cependant peut s’assouplir grâce à un accompagnement, des aménagements et des outils adaptés.

Les particularités de mentalisation, notamment la difficulté à se mettre à la place de l’autre doit aussi être nuancée et appréhendée en fonction de chaque profil. Si le manque d’empathie peut se manifester, cela n’ôte en rien la présence d’émotions et de sensibilité chez les personnes autistes. Il ne faut pas non plus confondre auto-centrage et égoïsme. Il sera donc d’autant plus important du fait de cette particularité cognitive, que les interlocuteurs soit explicites et concrets dans l’expression de leur propre état au sens large.

Là encore : n’existe-t-il pas nombre de cœurs de métiers et tâches professionnelles nécessitant sélectivité et précision ? Le manque de flexibilité mentale, s’il peut engendrer certaines difficultés d’adaptation, ne favorise-t-il pas aussi une forme de rigueur, persévérance et stabilité ?

Enfin, rappelons que la difficulté qu’une personne autiste rencontre dans l’attribution d’états mentaux à autrui n’est pas synonyme d’absence d’émotions et insensibilité, et revêt des causes et des manifestations variées selon les individus.


Il est donc plus que temps d’intégrer le crédo « autrement capables » !
Toutes ne sont pas des génies en puissance, toutes n’apporteront pas de l’exceptionnel et du sensationnel, mais certaines, si ; et pour les autres, est-ce que contribuer comme tout un chacun n’est pas déjà une victoire, lorsque l’on sait à quel point ces personnes sont encore trop souvent sous-évaluées
et exclues ?

La productivité est une chose, mais une production bien faite, en un temps T d’un process ne contribue-t-il pas tout autant à l’activité de notre système socio-économique ?

Via ce prisme, le regard porté sur ces personnes singulières, et les moyens de compensation, mais aussi de régulation et potentialisation, apparaissent comme non seulement réalistes, mais aussi efficaces.


Quelques exemples d’outils :

  • Un casque réducteur de bruit pour pallier les parasitages sonores.
  • Une lampe avec variateur d’intensité.
  • De l’anticipation et une séquentialisation des consignes et tâches.
  • Une communication explicite, concrète, synthétique, visuelle.
  • Un time timer pour visualiser l’écoulement du temps.

En apprenant à percevoir les capabilités et efficiences, au-delà des limites et manques, le salarié autiste devient un acteur à part entière.

Alors, ce travailleur singulier est-il :

  • Epidermique ou hyper-perceptif ?
  • Sourd ou concentré ?
  • Tatillon ou rigoureux ?
  • Gonflé ou authentique ?
  • Compliqué ou logique ?
  • Lent ou exhaustif ?
  • Bizarre ou autiste ?

Autisme : Survivre au travail

Josef Shovanec

Philosophe, écrivain et autiste Asperger